"La psychose... ça n'existe pas !" Les identités soignantes d'un hôpital de jour de psychiatrie

La psychiatrie est aujourd’hui une discipline médicale qui se distingue par la coexistence de plusieurs paradigmes, parfois antagonistes, et par l’évolution des objets qui la circonscrivent. Ces transformations sur le fond et la forme participent à un mouvement global de confusion dans sa pratique. Nous avons donc cherché à comprendre comment les soignants s’emparent de ces paradigmes, comment la théorie construit une pratique de soin et quelles sont les conséquences de ces phénomènes sur le travail en commun. Pour cela, nous avons mené une enquête dans un hôpital de jour (HDJ) de Marseille dédié à la prise en charge de patients psychotiques. Le choix d’une méthodologie propre à l’anthropologie a permis d’accéder à la complexité des trajectoires individuelles, pour rendre compte de la réalité des acteurs et faire émerger les enjeux qui les traversent. L’enquête s’est déroulée pendant six mois, sous la forme d’une observation participante et d’entretiens semi-directifs. Différentes dimensions ont permis de mettre en lumière les clivages entre les professionnels : sur un plan idéologique, l’étude du discours officiel des acteurs sur le soin a mis en évidence la pluralité des définitions de la psychose et de la thérapeutique attenante. Elles répartissent globalement les acteurs entre les deux modèles dominants : la psychanalyse et la psychiatrie biologique. Sur un plan plus politique, il apparait chez quelques soignants « stigmatophiles » une volonté de réhabiliter les patients au quotidien, qui se heurte à une approche plus pragmatique des soins. En l’occurrence, l’existence d’un « sale boulot » réservé aux infirmières en service d’hospitalisation éclaire en partie leur volonté de confort une fois arrivées à l’HDJ. Enfin, en prenant en compte l’avis de quelques patients de la structure, nous avons pu mettre en évidence que l’intensité de leur expérience de stigmatisés explique en partie leur adhésion à l’HDJ, participant à un mouvement global de « routinisation » des pratiques